Mélancolie mortelle

Mort, mort, mort, mort ... ce mot résonnait dans sa tête. Ce mot qui avant la faisait sourire, qu'elle s'assurait à l'oreille de ses victimes en plissant les yeux de plaisir. Comment avait-elle put en arriver là, comment ? Elle qui avait infligé à tant de créatures cette fin atroce qu'était la mort criminelle. Maintenant l'évocation de se mot était pour elle pire qu'une torture, un supplice. Elle qui était avant une sanguinaire, elle était devenue un monstre, un danger. Ses griffes se plantèrent dans le sol, elle baissa la tête ses yeux brillants, plissés de douleur. Sa mâchoire était serrée comme sous le poids d'un immense effort. Soudain elle balança sa tête en arrière, le sol craqua sous ses pattes et la terre vola dans tout les sens.

"MORT ! MORT ! MORT ! MOOOOORT !!!"

Elle s'effondra sur le sol, les yeux baignant de larmes. Pourquoi avait-il fallu qu'elle s'attache autant à lui ! Et d'ailleurs pourquoi lui ? Pourquoi ce petit chaton insignifiant qu'elle aurait put écarter de son chemin d'un coup de patte lorsqu'elle l'a vu pour la première fois ? Pourquoi avait-elle fait ça ? Pourquoi ? Trop de questions pour une seule et unique réponse. Il était mort ! Son corps se secoua de spasmes de douleur, tremblant de tout ses membres elle se mit à gémir.

"Je vous hais ! Je vous hais tous ! Tous le monde ! LA TERRE ENTIÈRE ! JE VOUS DÉTESTE BORDEL ! JE DÉTESTE LA VIE ! JE DÉTESTE L'AMOUR !!!"

Haletante elle regarda devant elle. L'eau plongeant dans le néant dans un fracas de tonnerre, pareil à ses larmes. C'était la deuxième fois de sa vie qu'elle pleurait, le première étant la fois où elle lui avait déclaré son amour. Elle regretta d'avoir pensé à ce moment. Un de ces rares moments qu'elle avait passé avec lui.
Son visage se redessina encore dans sa tête, elle ferma les paupière de toutes ses forces comme si elle pouvais effacer cette image. Pourtant il était toujours là, dans son cerveau, il ne voulais pas partir, il la regardait avec cet air de chaton qui veut découvrir le monde et en même temps de protecteur sur de lui. Pourquoi ne voulait-il pas s'en aller ? Pourquoi ne voulait-il pas partir une bonne fois pour toute au lieu de la faire souffrir. Il était mort après tout. Il fallait absolument qu'elle l'oublie, elle devait l'oublier !

Ses lèvres se retroussèrent, laissant apparaitre une rangée de crocs impeccable. Depuis qu'elle l'avais rencontré elle n'avait pas tué, enfin ... pas de chats, juste des proies. Maintenant qu'il était partir sa soif était inimaginable, incontrôlable. Soif de sang, soif de mort, soif de vengeance, c'était du pareil au même. Elle tuerait, tuerait jusqu'à en mourir à son tour et ensuite la forêt pourrait connaitre la paix ! Pas avant ! Ses yeux, encore mouillés, luisirent de rage. Ces chats de clans ! Ils allaient le regretter ! Eux qu'elle croyait incapables de faire de mal à une mouche ... ILS L'AVAIENT TUÉ ! Goutte se leva en tremblant de tristesse, de douleur mais surtout de rage et de haine. Sa tête pivota en scrutant l'horizon pendant une poignée de secondes avant qu'elle ne bondisse et se mette à courir. Elle n'avait plus qu'un seul but, une seule raison de vivre ... venger Ramses !

Etoile de lune était désemparée ...
Pluie d'Avril était mort,Tempête de Sable était morte, Pelage Glacé était morte, Nuage de Feuille était morte, son clan était mort, sa vie était morte, son âme était réduite à néant, elle n'avait plus la force de reconstruire son passé qui s'était effondré en seulement 6 lunes. 6 lunes, un malentendu, une solitaire vengeresse et un hiver glacial. Il n'avait suffit que de ces quatre chose pour détruire tout ce qu'elle avait de plus cher au monde, sa famille, ses amis, son clan. Tout. Tout. Tout.
Qu'allait-elle faire ? Reprendrait-elle la tête du clan qui ne comptait plus personne ? A quoi cela servirait-il ? Allait-elle quitter cette vie et abandonner le clan des étoiles pour vivre en solitaire ? Ou pire en chatte domestique ? Ce serait de la lâcheté. Il lui fallait réfléchir ... La tête basse, plongée dans ses sombre pensées, elle avançait vers les chutes n'ayant plus qu'une seule solution en tête, de finir comme tout le reste de sa vie : mourir.
Elle se sentait si seule, si perdue. Comment avait-elle put être à la tête d'un clan elle qui ne pouvait maintenant même plus se prendre en charge toute seule. Elle aurait aimé être encore ce chaton dans les pattes de sa mère. Maintenant s'était à elle seule de se débrouiller.
Elle était tellement préoccupée qu'elle n'avait pas fait attention où elle se trouvait ni si elle était seule si bien que quand elle releva la tête elle fut surprise de tomber nez à nez avec une solitaire. En fait ce n'était pas une solitaire. C'était la solitaire.

Goutte s'arrêta brutalement. Le premier de sa liste. Elle l'avait sentit. Elle se retourna. Elle était là, elle la regardait, ses yeux eux aussi embués de larmes. Goutte la mitrailla du regard. La chatte crème s'assit et la regarda tristement. Les pattes blanches rehaussées de petites chaussettes noires se déplièrent tel un ressort et la solitaire se retrouva sur la chatte de clan en une demie seconde. Celle-ci, allongée sur le dos ne bougea pas. Les griffes acérées de la tueuse s'enfoncèrent dans la chair de ses épaules sans qu'elle ne bronche.

"Tue-moi, murmura-t-elle"

Les yeux de Goutte s'illuminèrent d'un éclat de vengeance et de rage. Elle ne répondit pas à la chef du clan du tonnerre et continua de lui enfoncer ses longues griffes dans sa chair tout doucement. Quand enfin elle sentit une surface dure - l'os - elle s'arrêta et jeta un regard sanguinaire sur la clan allongée dans la poussière, les yeux grands ouverts, des yeux compréhensifs, des yeux tristes, des yeux remplis de douleur non pas physique mais morale. Goutte voulut fermer les yeux pour ne pas avoir à regarder ces yeux. Elle les détestait. C'était le genre d'yeux qu'il suffisait de voir pour savoir que la personne a qui ils appartenaient était quelqu'un de gentil. Goutte se redressa de toute sa hauteur. Le corps de sa "proie" étendu sous elle. Enfin elle ramena violemment ses pattes antérieures vers elle en déchirant un énorme morceau de chair à la chatte de clan. Celle-ci poussa un gémissement de douleur atroce.

"Pluie d'Avril, mon amour, j'arrive, attend-moi."

Étoile de lune sourit et ferma les yeux. Elle savait qu'elle était en train d'offrir la plus grande réjouissance qu'il put à une solitaire qui était la cause de la destruction de son monde mais elle s'en fichait. De toute façon il était trop tard, elle allait mourir, elle serait heureuse auprès du clan des étoiles, auprès de Pluie d'Avril ...

Le ciel est gris, parsemé de nuage plus ou moins gris.
Il se baladait, perdu dans ses pensée de guerrier. Il était angoissé, étonné, triste, mais tout en étant heureux. Cette sensation lui était étrange, il ne l'avait pas ressenti depuis tellement longtemps.
Il flottait sur son petit nuage quand il entendis des gémissements. Il s'arrêta et huma l'air.
Deux odeurs très distinctes se baladaient dans l'air frais d'une fin de journée.
Parmi l'une d'elle, il y avait une odeur de chat de clan, sans doute le clan du tonnerre.
Et l'autre, l'autre n'avait rien d'un chat de clan. Ce chat devait sans doute être un chat solitaire. En pensant a ceci, son cœur ne fit qu'un tour dans sa poitrine. Il devait partir au plus vite si il ne voulait pas se faire déchiqueter en morceau, dans une affreuse souffrance.
Mais il était figé sur place, il ne pouvait pas bouger tellement le peur lui était immense.
Il reste ainsi debout, plusieurs minutes, sans bouger, en sentant son cœur battre comme il ne l'avait jamais fait.
Puis ses membres s'engourdir, et il s'obligea a bouger.
Pendant se temps, il entendait encore quelques gémissements. Après s'être étiré se long en large, il s'approcha du buisson le plus doucement possible, et assista a un terrible spectacle. Étoile de Lune était en train de se faire déchiqueter par Goutte.
Celle ci enfonçait lentement ses griffes dans le dos de la chef du clan du tonnerre, qui ne bougeait plus. N'avait-elle pas le courage de se défendre? Ou voulait-elle vraiment mourir?
Ça, il ne le saurait peut être jamais.
Il regarda la scène, apeuré et encore une fois, incapable de bouger.