... COMING BACK OF A LEGEND ...

Noires. Les petites chaussettes volaient sur la roche, portant à leur extrémité de longues et fines pattes blanches. Alors que le vent chaud de cette fin d'après-midi balayait encore les montagnes de ses faibles rafales brulantes, les coussinets roses, prouvant une éternelle jeunesse, s'écrasaient sur le sol lisse et glissant des collines. Pas un seul faux-pas, pas une hésitation, on aurait put croire que le corps frêle avait été taillé pour vivre dans ce milieu hostile. La démarche raide mais agile des muscles roulant sous la peau était une chose dont on aurait pu tirer une certaine fascination. Alors que les poils, luisants mais hérissés par la chaleur, ondulaient sur le corps peu charnu. Le soleil éclairait encore pleinement la lande qui s'étalait en contrebas, bien que dans le ciel, les nuages s'encombraient de plus en plus et une première GOUTTE ne tarda pas à tomber. Comme un signe. Celle-ci aurait été du sang et le signe aurait été plus clair. Mais non. La forêt ignorait encore tout de ce qui se produisait à ce moment même. A l'instant présent, rien qu'un pas. Tellement d'autres significations. Un seul pas, le pas d'un retour. Retour du tourment qui avait hanté la forêt pendant de nombreuses lunes. Et après des saisons de paix, le retour de la terreur. La mort incarné qui n'allait pas tarder à s'abattre sur les quatre clans habitant la vallée. Pourtant rien, aucun signe. Personne n'a été averti. Aucun chef, aucun guérisseur. Pas de signe du clan des étoiles. Juste cette pluie, à l'instant présent. Quelques minuscules gouttes s'écrasant au hasard, par-ci par-là, cherchant juste à rafraichir l'air. Non, vraiment, aucune prévision. Comment pourrait-il y avoir une prophétie annonçant le retour d'un tel monstre ? Le clan des étoiles lui avait pourtant laissé sa chance. Plus qu'une chance, une vraie chance. Une chance refusée malheureusement ... pour le bien de la forêt. Refusée et gâchée par des lunes et des lunes de tourment infligée à celle-ci, puis par l'amour, et le meurtre. Alors comment le clan des étoiles aurait-il put annoncer aux quatre clans le retour de cette terreur ? Non, aucun signe n'était venu.

Le félin avançait rapidement. Démarche sûre, prétentieuse peut-être. Ces terres qu'elle avait quittées, elle les connaissait depuis toujours, elle y avait vécu, s'était "développée" ici, elle connaissait chaque détour, chaque territoire de chaque clan. Pour elle aucune limite n'existait, juste la liberté, pardon, SA liberté. Liberté de pouvoir faire ce qui lui plaisait quand il lui plaisait. Liberté d'éliminer quiconque se mettrait en travers de son chemin. C'est ici qu'elle avait établi ses lois. Ici qu'elle avait appris à se faire respecter et à vivre sa vie comme elle l'entendait, elle. Les autres n'avaient eut qu'à s'adapter à sa présence. Dans ce territoire qui était avant tout le sien. Avant que tout cela ne se passe. Ce temps de répit qu'elle avait laissé à ses victimes. Tout cela avait été trop compliqué. Trop imprévu et imprévisible. Elle n'avait rien choisit. Les évènements finissaient toujours par tourner en sa faveur. En sa toute puissance. Voilà une autre chose qui avait changé chez elle. Sa puissance. Elle n'avait jamais vraiment voulu cacher sa puissance par rapport aux autres. Mais avant, elle l'utilisait seulement pour vivre heureuse, tranquille, maintenant le contrôle sur ceux qui voudraient lui gâcher cette liberté. Désormais ce n'était plus la même. Désormais elle savait. Elle montrait. Elle avait survécu à la haine des clans, survécu à la mort de son amour, survécu à la déprime et le vide, puis à l'arrivée de son fils. Survécu également à la suite. À ces regards, ces rencontres, ces meurtres. Enfin à avait "survécu" à ce passage, ce drame qui n'en était pas un. Elle avait survécu à la mort. Celle-ci en personne. La mort qui n'avait pas voulu d'elle. Elle avait survécu à la blessure, au sang. À ces putin de cabots, elle avait sauvé son fils, elle était morte. Mais encore aujourd'hui, elle foulait ces terres qu'elle hanterait jusqu'à la fin des temps. Elle était de retour.

Goutte escalada encore quelques roches pentues et arriva enfin au pied des collines. Lieu chargé d'histoire ... c'est ce qu'elle cherchait. Son corps incroyablement fin se mouvait dans la lumière du soleil brûlant. Elle avait maigrit, tellement maigrit. Son corps paraissait squelettique qu'elle en était méconnaissable. Seule la couleur de son pelage accompagné de l'éclat de ses yeux la différenciait des autres chats de la forêt. Son magnifique pelage tricolore, qui paraissait avoir tant vécu pour elle qui n'avait que 50 lunes contrastait avec ses prunelles d'un bleu si profond qu'on aurait peur de tomber dedans. Oui, son regard n'avait rien perdu de son éclat. Goutte n'était pas morte, elle était bel et bien là. En piteux état peut-être, mais de retour pour de bon. Une large cicatrice avait trouvé logis sur toute la partie gauche de son visage, passant par son oeil qu'elle réouvrait maintenant presque normalement jusqu'à rejoindre le bas de sa joue. Un petit trou perçait son oreille gauche, grain de sel modifiant son apparence physique encore plus. Elle avait énormément changé physiquement mais également mentalement. Son désir de meurtre et de vengeance n'était plus le même. Cela ne voulant pas pour autant dire qu'elle avait tout pardonné aux chats de clan. Seulement, Goutte était trop au dessus d'eux pour se salir les pattes à les tuer pour une vengeance qui était de toute façon plus qu'accomplie. Elle les avait décimé. Ils s'étaient entretués par sa faute, elle avait déclenché cette guerre ravageuse qui les avait tous fait périr un à un. Ils lui avaient pris son amour, le seul et l'unique de sa vie. Tout avait disparut, aussi bien chez eux que chez elle. désormais elle était prête à repartir de zéro, mais elle n'oublierait rien. Tout était gravé dans sa mémoire, un nom en particulier.

- Joker

Le soleil tant attendu osait enfin réellement pointer le bout de son nez. Il avait fait chaud aujourd'hui, très chaud. Rien a faire d'autre que de dormir a l'ombre d'un arbre, près d'un point d'eau ou se rafraîchir...

C'est ce qu'avait fait Joker, il avait roupillé toute la journée, jusqu’à ce que le soleil décline, lentement mais sûrement. Le félin dégoulinait tant il avait eut chaud, il aurait su nager, il se serait volontiers "baigné" dans le petit ruisseau du clan de la rivière, mais la peur de se noyer était trop grande pour s'y risquer. Le solitaire se leva difficilement, et marcha a la vitesse d'un chat a qui ont aurait coupé deux pattes jusqu'à la ferme de Gerboise. Il avait beau faire chaud, rien ne pourrait lui faire plus de bien que de manger un des rats bien dodu trottinant près de la vieille bâtisse.
Le chat gris mit du temps avant de trouver un des rongeurs, car ceux-ci, fatigués par la température, préféraient rester cloîtré dans leurs tunnels frais plutôt que de sortir affronter la chaleur torride de cette journée d'été. Tout en chassant, il pensa à ce qu'aurait été sa vie s'il avait été un autre animal. Un oiseau, volant à la découverte de terres inconnues. Un blaireau puant et grognant pour faire déguerpir les prédateurs... N'ayant plus de salive au cause de la course après des rats imaginaires, Joker s'arrêta. Il se dirigea vers le petit cabanon situé à côté de la ferme, là où il y avait de l'ombre. Malheureusement pour lui, une planche de bois bloquait l'étroit passage, et il fut contraint a faire demi-tour. Joker bougonna avant de se retourner. Il souffla et posa son arrière train sur le sol chaud et sec. À l'horizon, il n'y avait rien d'autre que des collines ou l'herbe avait jauni en à peine quelques jours. Mais une silhouette se dessina au dessus de l'une d'elle. Une silhouette de chat qui n'était pas inconnue aux yeux du solitaire. Il allait se lever pour s'en rapprocher quand le nom de la féline sortit de sa gueule sèche.
« Goutte »

Alors qu'elle s'avançait maintenant dans la pleine, laissant derrière elle les collines, et tout ce qui se cachait derrière, ses se mirent à fixer un point. Juste un point, rien qu'un point, une silhouette. "Une" parce-que cela aurait put être celle de n'importe qui d'autre. Mais justement, ce n'était pas celle de n'importe qui. C'était la sienne ! A lui ! La silhouette de son amour défunt. Elle savait pourtant qu'il n'était pas là. Face à elle. Impossible. Elle savait que dans ce chat qui se postait vers elle, elle ne verrait jamais la bonne personne. Joker. Son fils. Il avait tellement grandit. Il ressemblait tant à son père. Cette pensée ne fit monter aucune larme aux yeux de Goutte. Les seules larmes qu'elle avait eut à verser de sa vie étaient celle qui l'avaient mouillée alors qu'elle était encore aux côtés de Ramsès. Puis à sa mort. Mais désormais c'était fini. Elle ne voulait plus penser à lui. Comme toujours ... elle voulait. Elle se donnait souvent les moyens nécessaire pour arriver à ce qu'elle voulait, mais là il n'y avait rien à faire. Juste regarder la vérité en face.

Ce n'est que quand elle arriva de l'autre côté du chemin du tonnerre qu'elle se rendit compte qu'elle l'avait franchit. Tiens. Étrange. Au moins elle ne s'était pas faite faucher par un monstre. Elle ne se retourna pas pour le vérifier. Elle s'imaginait bien voir son propre corps, gésir sur le sol. Non, c'était inutile. Elle n'était pas morte. Et en face d'elle trônait son fils. Magnifique. Elle le regarda, prenant son temps pour le rejoindre. Quoi de mieux que cet accueil ? Enfin elle arriva à quelques pas de lui et posa son arrière train sur le sol chaud quoiqu'il commençait à être mouillé. La pluie, sans que personne ne s'en rendre compte, avait persisté. Ce qu'on croyait à la base être une simple averse s'était métamorphosée et commençait à prendre de l'ampleur. Un orage ? Goutte n'eut pas le temps de ce le demander qu'un méchant éclair zébrait le ciel. Quelques secondes, les deux chats se regardaient face à face attendant la même chose chacun de leur côté, et l'explosion fracassante se fit entendre.

- Ça faisait longtemps.

Elle s'en voulu à peine pour ces mots banaux quoique prononcé avec gentillesse et sincérité. Ils se regardèrent. Elle était plus que fière de lui. Elle n'aurait pas imaginé que le frêle chaton qu'elle avait laissé seul dans ce monde hostile quelques lunes plus tôt puisse devenir un tel félin. Il était beau, bine nourrit. Elle se félicita d'avoir laissé un tel héritier dans la forêt des chats de clans. Et sur son visage, pour une fois, apparut une trace de se qu'elle ressentait. Un léger sourire fendit son masque noir et ses yeux se plissèrent très discrètement. Ils étaient encore à quelques longueur de queue l'un de l'autre. Elle ignorait s'il allait les franchir. Elle aimait cette attente. Elle aimait ce moment. Elle aimait. C'était reparti. Une nouvelle vie, un nouvel essai aucun Ramsès, lui, n'avait pas eut le droit. Mais elle, s'était tout joué. C'était bon, c'était fait. Elle pouvait reprendre sa vie là où elle l'avait laissée.

- «Ça faisait longtemps.»
dit-elle après avoir traversé le chemin du tonnerre, avec l'immense chance de ne pas s'être fait faucher par un monstre grondant. Elle s'était assise a quelques pas de lui, le dévisageant. Elle devait penser qu'il avait changer et grandi, peut être ressemblait-il un peu a se père qu'il n'avait jamais vu. Il ne connaissait que son nom, nom qui sonnait si bien. Le seul qui avait réussit a trouver un peu de tendresse dans le cœur de la solitaire.
«Oui, ça commence a faire un petit moment.»
Répondit-il en s’essayant sur le sol humide. La pluie s'était remise a tomber de plus belle, et des éclairs se mirent a zébré le ciel. Drôle de temps pour une rencontre qui aurait pu faire pleurer les plus sensibles. Mais Joker s'en empêchait. Il ne voulait pas que Goutte pense que son fils était devenu un pauvre chat, sans caractère. Il ne pouvait se le permettre. Il n'était sans doute pas le fils dont elle avait rêvé. Aimant jouer avec la mort des autres. Son caractère était sans doute plus celui de son père que de sa mère. Calme et doux. Qu'avait-il bien pu hériter de sa pauvre mère, qu'il avait tant pleurer?