A long long way for a new life

J’étais retourné bien tranquillement dans ma tanière. Aucun autre incident ne s’était manifesté, et c’était tant mieux. La lune avait commencé à redescendre, et une immense fatigue avait explosé dans ma poitrine. Je m’étais laissé choir sur le matelas de mousse, laissant mes membres ankylosés se reposer un instant. Je m’étirai, essayant de délier mes muscles. J’étais tellement stressé qu’ils en devenaient douloureux. Je regardai les restes de nourritures que j’avais boudé quelques minutes plus tôt, pour m’en laisser pour maintenant, mais toute trace de faim s’était évanouie. Mon ventre était tordu par la tristesse et mon cœur emplit de haine pour le Clan des Etoiles qui m’avait volé mon vénéré chef. Pourtant, je n’arrivais pas à leur en vouloir bien longtemps. Ils étaient mes guides et s’ils avaient repris les vies de l’ancienne Etoile, il devait y avoir une bonne raison.
Soudainement, alors que je tombais lentement dans les Bras de Morphée, quelque chose me tira de ma rêverait. Je grommelai intérieurement. Apparemment, ce ne serait pas ce soir que je rattraperai les heures de sommeil perdues des derniers jours. De plus, je voulais être debout aux aurores le lendemain pour prendre activement part aux patrouilles de la journée. « Amour Passionnel, puis-je entrer ? »
C’était, sans doute aucun, la voix de Danse Eternelle, mon amie guérisseuse du Clan du Tonnerre. Elle m’avait épaulé pendant la mort de l’Etoile, et je comptais beaucoup sur elle. Elle était un vrai pilier du Clan, et je ne voulais surtout pas la perdre. J’avais un grand respect pour elle, pour sa personnalité comme pour le poste qu’elle occupait dans la hiérarchie.
Je ne pris même pas la peine de répondre, car la silhouette ébène de la guérisseuse entrait déjà dans ma tanière. Elle écarta le rideau de lierre qui me servait de fermeture, et un rayon de la lune entra avec elle. Ainsi auréolée de faisceaux lunaires, on aurait dit un membre de la Toison Argentée.

Je me relevai de mon lit, histoire de faire un peu bonne figure. Même si nous étions amis et que cela ne me dérangeait pas qu’elle me voit ainsi affalé sur ma mousse, j’étais désormais un chef et je devais me faire constamment présentable – bien qu’avec un pelage aussi blanc que le mien, ce n’était pas tâche aisée. Je pris une inspiration, déglutis doucement, me relevai, et m’assis en face de la guérisseuse couleur d’encre. Apparemment, la nuit serait courte. « – Danse Eternelle. Je ne t’ai pas aperçue à l’Assemblée. J’espère au moins que mon choix te convient.. J’escomptais venir te parler. » Je fis une courte pause. J’avais fais un long dialogue lors de ma montée sur le Promontoire, et je voulais prendre mon temps pour discuter avec Eternelle. Parler vite de m’allait pas. Je préférais choisir mes mots avec soin, pour ne froisser personne et pour exprimer pleinement mes intentions. Mais voulant profiter tout de même de quelques heures de repos que je considérais bien méritées, je repris : « - Il faut que nous nous rendions rapidement à la Pierre de Lune. Il faut que j’obtienne mes huit vies avant la prochaine Assemblée des Quatre Clans. Sans elles, je ne monterai pas sur le rocher. Et si je ne le fais pas, ce sera pris pour un acte de faiblesse. »

Je connaissais assez bien le voyage pour aller aux Hautes Pierres puisque je l’avais déjà fais en compagnie de l’ancienne étoile & de l’ancienne guérisseuse. C’était long, mais voir la Pierre de Lune avait été le plus merveilleux voyage que j’ai jamais fait. « - La dernière fois, j’avais mangé des hautes herbes, pour m’y rendre. En as-tu dans ta réserve ? Il faut que nous partions demain, ou au plus tard, après demain. Brasier de Feu nous accompagnera. » J’attendis tout de même l’accord de cette dernière. J’avais un peu poussé, je lui avais demandé si elle avait des remèdes. Oui, je m’en doutais qu’elle en avait, mais je n’aurais peut-être pas dû lui poser la question, elle pouvait le prendre mal. Mais c’était certainement la seule chose que j’avais retenue. Manger des hautes herbes repoussait la faim, et ainsi on arrivait à jeûne aux Hautes Pierres. Parfait pour entrer en communication avec les étoiles.
Les chefs se devaient de garder le secret sur l’obtention de leurs huit vies. C’était donc avec un cocktail de curiosité mais aussi d’appréhension que j’attendais ce moment… avec un zest d’impatience et de trouille, aussi. Je regardai Danse Eternelle, attendant son avis.

Danse Eternelle me rassura. Mon choix lui convenait. Parfaitement. Elle ajouta que ce n’était pas sa décision, mais plutôt la mienne, et qu’il fallait désormais que je me montre responsable de mes actes. Je n’aimais pas avoir toute la responsabilité. Je préférais pouvoir être épaulé, histoire de ne pas avoir à porter tout sur mes frêles épaules. Je trouvais cela étonnant que le chef soit seul. Il y avait le lieutenant, bien entendu, mais ce dernier devait tout de même soumission au membre le plus haut placé dans la hiérarchie d’un Clan. J’aurais préféré avoir un guide du parfait chef, ou encore un deuxième membre du Clan pour prendre les décisions avec moi.
Danse Eternelle me sortit de mes pensées en continuant de répondre. Elle m’expliqua que cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas rendue aux Hautes Pierres, et que cela tombait bien, qu’elle devait aller discuter avec nos ancêtres. Elle ajouta qu’elle ne voulait pas rater ma nomination. Que c’était magnifique. Encore des termes trop vagues. J’avais envie de la bombarder de question. Comment cela se passait ? Que disaient les ancêtres ? Que fallait-il faire, dire, comment fallait-il respirer ? Est-ce que c’était… douloureux ? Revoyait-on des membres de notre ancienne vie ? Je veux dire, notre vie de guerrier, d’apprenti ou encore de chaton ? L’espoir de revoir mes parents mûrissait légèrement dans mon cœur, à mesure que le temps passait & que ma nomination approchait.
Mais le Clan des Etoiles m’accepterait-il ? Me croirait-il digne de diriger le Clan du Tonnerre comme toute la lignée de chef avant moi l’avait fait ? Tant de questionnements auxquels j’aurais réponse dans quelques heures. Toute ma fatigue s’était envolée, et je n’avais qu’une envie, voler vers cette Pierre de Lune avec des ailes imaginaires.

A mon grand bonheur, la guérisseuse ne prit pas mal mon intervention au sujet des hautes herbes. Heureusement pour moi, la jeune et belle Danse Eternelle n’était pas vraiment susceptible. Elle m’avoua qu’on ne se servait que rarement des hautes herbes. Je ne pouvais que la croire ; les baptêmes de chef étaient rares. Neuf vies, c’était tout de même long a écouler, surtout lorsque l’on démarrait jeune.
Elle ne put s’empêcher de faire son travail de guérisseuse, et elle me rassura. Je l’en remerciai mentalement tandis que j’écoutais ses conseils. Ne pas stresser. Plus facile à dire qu’à faire, mais c’était ce que je devais me répéter jusqu’à notre arrivée. Surtout, ne pas stresser.
Ses éloges envers les membres de la Voix Lactée ne se tarir pas plus. Magnifique. Elle arrosa mon espoir de revoir mon ancien chef, qui me manquai terriblement. Il n’était parti que depuis quelques jours, voir heures seulement, et je ressentais déjà le grand vide que la perte d’un sage causait.

Elle me secoua énergiquement en me disant qu’il fallait nous préparer. Je pris une profonde inspiration, hochai la tête en signe d’accord et lançai un regard à ma couchette. Je savais d’avance que je n’arriverais pas à dormir de si tôt. Impossible, lorsque l’on savait que le lendemain serait le tournant le plus affreux de sa vie. Si j’étais accepté, je ne serais plus jamais le même. Au contraire, si le Clan des Etoiles n’acceptait pas ma requête d’atteindre le poste de chef, comment devrai-je réagir ? Comment pourrais-je l’avouer aux autres ? Pire, me l’avouer… Je décidai de continuer un peu la conversation, histoire de chasser rapidement tous ces doutes qui m’embuaient l’esprit. Surtout, ne pas stresser. « - Nous partons donc à l’aube, c’est cela ? Si cela ne te dérange pas, pourrais-tu faire un tour du côté de la tanière des guerriers et prévenir Brasier de Feu de notre départ ? Je suppose qu’elle n’est pas encore couchée. Ou dû moins, qu’elle ne dort pas encore. » Je souris à cette idée, me rappelant ma propre veillée lorsque j’étais passé Lieutenant. Je n’avais presque pas dormis de la nuit.